Psychothérapies et perspectives de recherche-5
 
Louis COSTE PSYCHOTHERAPEUTE Argenteuil Ermont (Val d'Oise - 95)


 
Dogura-Magura, où le sens japonais de la vie
Comment le souvenir traumatique peut devenir supportable
Les faux souvenirs ressemblent aux vrais
De la présence thérapeutique du conte
Apprentissage de la lecture: le sens à la dérive




 
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Dogura-Magura*, où le sens japonais de la vie

Ce qui déroute le plus l'individu occidental au Japon est cette espèce de mélange de contradictions qui semble apparemment résolue au quotidien. A l'image des enseignes paradoxalement peu agressives qui tapissent les gratte-ciels du quartier Kabuko-cho de Tokyo, la surface des comportements humains se synchronise en formules simples qui donne forme à un tissu social d'autant plus enveloppant, que tous les Japonais se sentent intimement en danger. Car on l'a souvent signalé, le Japonais s'efface au profit de l'intérêt du groupe. Le danger peut provenir de l'autre, surtout s'il est étranger. Rappelons que le Japon comporte 98% de Japonais. Le tissu social agit par conséquent comme un filtre afin de ne pas perturber une cohésion fragilisée par un territoire développé sur une poudrière naturelle. Dans un pays où 5000 secousses telluriques se produisent en moyenne par an, il vaut mieux satisfaire l'esprit des éléments naturels et ceux de ses voisins. Aussi, le Japonais est-il profondément animiste. Temples bouddhistes et zen jouxtent en général les lieux sacrés shintoïstes où chacun accepte de se purifier, davantage pour pouvoir rester en vie et aspirer à un bonheur qui ne ternisse personne. Le Japon est par conséquent un vivier terrestre où le fait de consommer le poisson permet de franchir mentalement les parois qui donnent sur les océans. Mais ici encore, le filtre culturel agit. Ce qui vient du lointain est absorbé, régulé et codifié dans l'art culinaire des bento. C'est ce qui explique aussi pourquoi si peu de Japonais, même à Osaka, Kyoto et Tokyo, ne parlent un tant soit peu anglais. D'ailleurs, l'alphabet latin est immédiatement transcrit en kataganas pour résonner et faire sens en un système interne.

Ces quelques données psycho-sociologiques permettent de comprendre ainsi plus aisément la teneur des propos de Kyûsaku YUMENO tout au long d'un roman-enquête où psychiatrie et bouddhisme combinés convergent vers la mise en évidence d'une réparation trans-générationnelle des conflits au travers des réincarnations successives: "autrement dit l'individualité de l'homme, son identité spécifique, contenue uniformément dans chacune de ses cellules, (...) n'est rien d'autre que l'accumulation de de l'activité psychologique transmise héréditairement par toutes les générations de ses ancêtres sans exception..." Au sein du vivier, les déséquilibres sont des distorsions où la mort elle-même peut être réparatrice et aucunement vécue comme une fin. La force japonaise provient d'un entêtement indispensable qui consiste à épuiser des solutions. Dans un tel contexte, personne n'est détendu. Dans le meilleur des cas, tension et relâchement s'annulent dans le satori . Ceux qui n'y parviennent pas, peuvent se satisfaire de ces quelques mots: "on peut affirmer que tous les hommes qui pullulent sur cette terre, sans exception, sont des infirmes mentaux." D'où l'intérêt de la quête intérieure qui anime chaque Japonais et qui trouve son paroxysme dans la scénographie de la beauté. Elle agit comme l'aboutissement parfait d'une recherche de sa propre origine: "l'absolu de la beauté réside dans sa destruction. Il faut dévoiler jusqu'au bout la laideur monstrueuse qui en résulte et la regarder froidement... "
Japon que j'aime et qui va jusqu'au bout de lui-même.

*YUMENO Kyûsaku, Dogra Magra, Roman traduit du japonais par Patrick Honnoré, Ed. Philippe Picquier, 2006.


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Comment le souvenir traumatique peut devenir supportable

Mes commentaires apportés à l'article de Aline Desmedt intitulé Des faits qui résistent à l'oubli, parus dans La Recherche, n°432, juillet-août 2009

A propos de l'article d'Aline Desmedt: "Des faits qui résistent à l'oubli", pp. 62-64, La Recherche n° 432, où il est question d'Etat de Stress Post Traumatique, plusieurs précisions sont à apporter. D'abord, il est d'ores et déjà possible de transformer les souvenirs traumatiques en souvenirs supportables, et cela depuis la découverte de la thérapie EMDR (désensibilisation et retraitement de l'information par les stimulations bilatérales alternées), mise au point dès 1987 par Francine Shapiro et largement développée et validée à travers le monde, depuis. D'autre part, -mais cela est sans doute dû au condensé de l'article-, on ne nous dit pas par quelle neuro-psycho-thérapie on transforme le souvenir traumatique en souvenir autobiographique. Car, avant que le souvenir ne devienne biographique, un travail de "réparation par tissage cognitif" doit être entrepris par le patient qui ne peut rester passif. De plus, l'article laisse sous-entendre qu'à la neutralisation des "agents amnésiants" peuvent se substituer de nouvelles traces mnésiques. On ne sait pas si elles sont "périphériques" du choc initial ou si elles se rapportent au déclencheur-source du choc émotionnel. Dans tous les cas, un travail de réparation psychique est indispensable pour que le choc émotionnel soit "digéré" et qu'il puisse se réinscrire par la suite en prenant sens dans l'évolution du sujet.


Réponse de Aline Desmedt parue dans La Recherche, n° 434, octobre 2009, p. 6
Mon article n'est pas une synthèse des études cliniques relatives à l'état de stress post-traumatique (ESPT). Il existe dans ce domaine certaines thérapies cognitives ou neuropsychologiques qui, visant à transformer le souvenir traumatique, peuvent parvenir à une atténuation des symptômes traumatiques. Néanmoins, les causes neurobiologiques de l'ESPT et les mécanismes cérébraux permettant de transformer la trace mnésique pathologique en trace mnésique de type "épisodique" restent à déterminer. C'est pourquoi le développement du modèle animaux se révèle crucial. Dans ce cadre, l'altération particulière des relations hippocampo-amygdalienne décrite dans l'article pourrait expliquer la trace mnésique pathologique. Et la manipulation de cette trace au cours de sa "réactivation" constitue une perspective thérapeutique prometteuse.
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Les faux souvenirs ressemblent aux vrais

Mes commentaires apportés à l'article de Anne Debroise intitulé Les faux souvenirs ressemblent aux vrais, parus dans La Recherche, n°483,janvier 2014

Concernant l'article Les faux souvenirs ressemblent aux vrais (La Recherche n°483, p. 36-40), du point de vue de la psychothérapie, j'ajouterai que si le souvenirs sont stimulés par des laps de temps émotionnels qui oscillent entre la peur et la panique, il est intéressant de traiter les faux souvenirs par la production de "blancs psychiques" en tant qu'espaces rendus vides d'informations et destinés à être reprogrammés positivement. C'est ce qui se pratique dans le "zazen" quand le disciple reçoit le bâton ou dans le "Kiai", ce cri de combat qui crée un vide dit paralysant chez l'adversaire. On retrouve ces techniques de désensibilisation en psychanalyse puisque comme le remarque l'auteure, un souvenir rappelé est déstabilisé. On les retrouve plus directement en hypnose et surtout depuis quelques décennies en EMDR, technique qui, pour répondre à l'auteure, est véritablement le protocole le moins intrusif actuellement pour désensibiliser et reprogrammer les événements traumatiques qui ont généré de fausses croyances.


 
De la présence thérapeutique du conte*
 

Source: Tome II, p. 660

"Il arrive bien que, lorsqu'une tempête ou une autre malheur envoyé par le ciel a réduit à néant tout le blé en herbe, un petit coin de champ, à l'abri de petites haies ou de buissons qui bordent le chemin, reste intact où quelques épis isolés restent encore debout. Quand le soleil redeviendra clément, ils continueront à croître, seuls et oubliés de tous. Aucune faucille ne viendra les faucher prématurément pour qu'ils aillent remplir de grands greniers. Mais à la fin de l'été, quand ils seront mûrs et pleins, des mains pauvres et pieuses viendront les chercher; et, après avoir soigneusement noué ensemble les épis posés les uns sur les autres, estimés bien davantage que ne les sont des gerbes entières, ces mains les porteront chez elles, où, pendant tout l'hiver, ils fourniront de quoi manger, et où ils seront peut-être la seule semence pour l'avenir." Extrait de la préface à première édition du tome I (1812)

"Quand le loup apprend aux oies à prier, il les mange en guise de salaire." Proverbe qui clôt le premier volume.

 
L'essence du conte est de nature quasi indicible, comme la vie éprouvée dans l'ici et maintenant. On ne peut 'dire' l'expérience qu'après l'avoir vécue. Véritable merveille, cette édition des Contes collectés par les frères Grimm est une recherche d'exhaustivité sur la nature humaine. En voici pèle-mêle quelques fondements.

Au sein de la mythologie populaire, une large place est faite à la fidélité et à la solidité des liens. La réciprocité des sentiments doit être affirmée sans cesse pour qu'elle ne se distende. Le conte est une mise à l'épreuve répétée. Il interroge sur la place et le rôle accordés à chacun au plan social, lieu de tensions de l'individu. Il s'agit d'entamer et de poursuivre une quête d'individualité afin de parvenir, étape après étape, à l'avènement d'une personnalité achevée.
C'est sous cette forme qu'il nous faut comprendre les situations d'envoûtement, de mainmise ou de soumission. La quête de soi est une succession de résolutions d'énigmes. Surtout parce que le désir sous-tend chacune des épreuves dont la plus périlleuse consiste à devoir un jour nous séparer de ce que nous avons de plus cher au monde.
Peut-on alors duper la fatalité et la mort ? Et comment dans ce cas nous débarrasser de la culpabilité ?

On en vient rapidement à cette évidence que la vie est une adaptation permanente, une histoire de compromis. Et pour soigner la culpabilité, il faut apprivoiser l'inconscient. Le conte prolonge le rêve nocturne, permet d'enfreindre les cadres et les lois nécessaires à l'état de veille. La notion de relativité du temps physique et psychologique permet à l'imaginaire d'entrevoir l'impossible pour écarter la non-possibilité des évènements. D'un côté, on apprend que: " …le soleil, la lune, les étoiles sont accessibles, ils font des cadeaux aux personnages et acceptent même qu'on les tisse pour en faire des habits …" et de l'autre, que "les techniques de filage de la paille en or, donnaient vraiment à celle-ci des reflets dorés, d'où son utilisation pour les broderies destinées à orner les vêtements liturgiques". On en déduit que le monde de l'analogie se lie à celui de notre nécessité des apparences. Du monde des apparences à celui des nécessités, le passage est étroit. Il permet l'élaboration de la 'juste attitude' qui prend souvent le pas sur une justice par trop rigide. Ce sont les "innocents" à qui la chance sourit, qui au fil des péripéties, modifient le milieu, justifient et garantissent, -paradoxalement-, les remaniements de la cohésion sociale.

J'ai abordé la notion de désir qui est véhiculée dans la plupart des contes, mais il faut également décrire les fondements de la peur existentielle qui habite en chacun de nous.(1)
Nous savons que la réflexion est une parade à la peur; mais aussi que l'importance du détail peut tout faire chavirer; qu'il nous faut nous méfier des apparences (2)...
On en guéri justement par une exposition progressive aux frayeurs. Elle devra-t-être alors teintée d'humour et d'absurde: "Si je dois mourir, j'aimerais bien voir cela de mes propres yeux !"
Nul doute aussi, que le sens du partage, la régulation des échanges, sont des fonctions sociales destinées à parer au manque. Mais le conte nous apprend également que le danger ne viendra jamais de là où l'on croit ! La meilleur chance de vaincre la peur est d'accorder par avance une part sacrificielle de soi. Dans le même veine, on perçoit que la notion de propriété s'annule devant la préservation de la vie: "Chez les Germains, les femmes enceintes avaient le droit de satisfaire leurs envies de fruit et de légumes y compris en prenant la propriété d'autrui".

La mort symbolique devient ainsi condition du changement, car elle préfigure une transformation qui lisse les extrêmes: " Quand on est trop heureux, on a toujours envie de nouveauté." … au risque de la folie (…) (3) Se contenter de peu; que ceux qui sont en haut continuent à regarder en bas; ressentons encore et toujours notre environnement comme s'il était 'animé'. Le franchissement de la 'barrière des espèces' existe de tout temps dans le conte. La nature est composée d'une multitude de formes de vie qu'il nous faut respecter même si "les principes actifs" n'en ont pas encore été extirpés.(4)
L'interrelation entre le visible et l'invisible existe tout comme les lieux qui les figurent. Nous ne sommes jamais seuls. Et puisque tout est relié, comment nous concilier les auxiliaires "magiques"?

Le conte traverse les temps car il assure le 'ciment' oral des générations. Si les frères Grimm ont fait le choix de consacrer une grande partie de leur vie à fixer les contes par écrit, c'est davantage pour mettre en exergue leur universalité que pour en figer un sens univoque à tout jamais.

* Contes pour les enfants et la maison, Edités et traduits par Natacha Rimasson-Fertin, José Corti, 2e édition, 2009.

(1)Je viens de lire une conclusion de recherche montrant que le stress conduit à prendre des décisions de manière automatique, sans réfléchir. Or, nous retrouvons cette constante dans la plupart des contes de Grimm qui nous montrent que l'être humain a fondamentalement peur et que les actes les plus atroces comme les plus beaux sont fomentés d'angoisse existentielle. de E. Dias-Ferreira et al., dans Science, 325, 621, 2009,E. Dias-Ferreira et al


(2)On trouve un très bel exemple de défaut d'interprétation dans La Mort aux Trousses d'Alfred Hitchkock où le publicitaire Roger Thornhill faillit mourir parce qu'il n'a pas su interpréter à temps l'hostilité déguisée de l'avion à son égard.


source: Internet Movie Data base






(3) "Les Herbes Folles": dernier film d'Alain Resnais pouvant être effectivement interprété comme l'un des risques issu de l'installation dans l'oisiveté.
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(4) Les voix de femmes font pousser les plantes plus vite

 

Apprentissage de la lecture: le sens à la dérive

Rappelons que les éléments de base d’une langue écrite, sont les graphèmes (a,b,c,…).

   Restons dans le cadre d’une analyse écrite de la langue, bien que l’on puisse facilement montrer, que dans un système de codification des langues orales, des marqueurs "graphémiques" sonores sont également fonctionnels.

Le système écrit d'une langue écrite (même de type idéogrammique) est aussi grapho-phonologique. La langue écrite est un système de relations entre les phonèmes (sons) de la langue et les signes graphiques (lettres, signes de ponctuation, syllabes, groupes de syllabes, groupes de mot, phrase...) En effet, le signe graphique ne se limite pas à la lettre mais acquiert un sens dans le contact et l'enchevêtrement avec d'autres signes graphiques. Si bien qu'il est parfois difficile de définir une unité de sens minimale de la phrase.

Comparons: Parle, parle ! , parles...

Chacune de ces expressions se réfère à l'acte de parler, mais elles constituent trois unités de sens différentes qui sont issues d'une construction mentale qui relie le sujet à son environnement d'une part, et à l'histoire grammaticale de la langue, d'autre part.
Un mot, une groupe de mot, une phrase, ont une valeur relationnelle horizontale (qui peut-être d'ailleurs, purement informative), et une valeur verticale qui est imprégnée de l'histoire de la langue et de ses codifications (plus ou moins arbitraires !) qui la constituent: (hostel >hôtel…).

Constatons par conséquent, que si l'on supprime trop de signes diachritiques (comme les accents, les virgules...), le message se brouille et le destinataire du message comprend ce qu'il veut !
Sur l'axe vertical, si le poids de l'orthographe et des règles fondamentales de la langue sont trop contraignants, la langue tue la langue. D'où la nécessité de relâcher régulièrement le carcan historique de la langue écrite, lorsque la simplification est possible, et sans porter atteinte au sens.

Ainsi, dans un système d'apprentissage grapho-phonologique, l'acquisition de l'unité de sens procède ainsi:

(Le sujet Je ) parle, (Quelqu'un) te donnes l'ordre de parler, (Le sujet Tu) parles.

L'enfant étend ses compétences relationnelles horizontales et fait la différence graphique et phonologique entre le fait de parler, et que quelqu'un lui donne l'ordre de lui parler, ou de constater que quelqu'un parle. Il développe en cela également la dimension grammaticale de l'articulation de la pensée.

Car c'est bien de la préparation à l'articulation d'une pensée dont il s'agit.

La méthode syllabique s'inscrit naturellement dans la lignée de la nécessité de prendre en compte le code grapho-phonologique, puisque les signes écrits qui transcrivent les sons élémentaires, se combinent en syllabes de façon progressive. Le mot est peu à peu déchiffré de par les signes graphiques et les sonorités qui le composent. Tout va pour le mieux.

Alors quel peuvent bien être le fondement et l'intérêt de la méthode globale pure ?

On apprend à lire par la reconnaissance visuelle globale des mots, en faisant l'impasse des codes grapho-phonologiques. La méthode se veut rapide puisqu'elle permet (en apparence seulement ) d'associer systématiquement déchiffrage et compréhension de l'écrit. Par ce procédé, l'enfant serait d'autant plus motivé par la lecture qu'il deviendrait plus rapidement autonome au cours des apprentissages successifs.

D'après la présentation des deux principaux axes d'apprentissage, nous voyons comment les compétences devant être acquises par l'enfant, sont biaisées, puisque le rapport à l'autre se fait en quelque sorte par l'échange de photographies de mots, comme si les outils d'échanges étaient constitués de cartes graphiques minimales facilement mémorisables et agençables en fonction des circonstances. On aurait dû s'informer auprès des orientalistes pour constater que ce procédé est à l'origine de la création des idéogrammes et qui sont, à la longue, infiniment plus difficile à mémoriser ! Très peu de Chinois, en effet maîtrisent la majorité des idéogrammes.

D'un point de vue psycho-sociologique, cette fois, la méthode globale n'est pas sans conséquences, car privilégier le rapport à l'image dans les relations, entraîne des échanges de rapprochements, d'analogies, de comparaisons (tel est le type d'échanges mis en évidence dans les e-mails où il est fait appel à la valeur symbolique de l'image-texte plutôt qu'à une véritable discours conceptuel).
S'il s'agit de communiquer une information minimale, la méthode globale pure est efficace mais souffre de l'absence de dimension historique de la langue écrite. Comme les règles d'orthographe et de grammaire sont appliquées a minima, voire souvent pas du tout, ce sont les rapports entre les scripteurs qui en souffrent. Une fois le choc des images passé, que dire de soi, en quels termes ? Se considère-t-on encore comme un corps issu d'une histoire singulière qui puisse échanger avec d'autres individualités, ou bien chacun n'est-il destiné qu'à assurer une communication minimale en dehors de l'histoire de l'Homme et de ce qui façonne les personnes ?

Il est incroyable, que ceux qui ont mis en place une telle méthode d'apprentissage de lecture n'aient pas mesuré les conséquences psycho-sociales qui coupent l'individu de l'Histoire et de son histoire. Combien de conflits, de drames, de pseudo-dyslexies et de dysorthographies acquises, auraient pu être évités !

Qu'en est-il de la méthode mixte élaborée en catastrophe après les dégâts qui n'ont pu favoriser le goût pour la lecture, ni l’épanouissement de l’esprit critique chez l'enfant ?

Retour au code grapho-phonologique.
Ainsi, l'apprentissage du son est préféré au signe écrit, ce qui est un comble!
Les enfants finissent par "deviner" les mots dont ils ne connaissent que peu de lettres et peu de syllabes ! Ils doivent, là encore, comme en méthode globale, tenir compte du contexte quasi-photographique de la phrase pour en comprendre le sens !
Cette méthode se veut pragmatique dans l'accélération des distributions phonologiques en oubliant que le mot a un corps qui est façonné au fil des échanges passés et présents.
Cette méthode n'améliore finalement pas les échanges dématérialisés entre les individus. Une dimension orale est donnée à l'écrit au détriment d'un enracinement des mots dans le corps de la langue qui façonne le sujet et, encore une fois, son esprit critique.

En somme la langue écrite-photographique, est devenue une ensemble épars de reflets à la dérive Dépersonnalisés, évidés de leur sens au cours des échanges, les mots sont happés et réinvestits d'une valeur rapide d'échange qui se fixe superficiellement dans les esprits. Tout mot devient polyvalent et peut tout exprimer ainsi que son contraire ! Des pellicules de sens les revêtent pour disparaître aussitôt.

Deux propositions incontournables:

 

  • Introduire la notion de psycho-phonologie dans l'apprentissage de l'orthographe: j'écrirai d'autant mieux le mot "gorge" si je sais que le mot a pu figurer "le tourbillon", mais aussi les bruits associés à la déglutition. L'image de l'ouverture et du bruit des tourbillons renvoient à la gorge humaine. L'image historique et l'onomatopée associée ancrent la mémoire du mot.

  • Introduire la notion d'esprit de la langue qui découle de la distribution des sonorités du mot: tel est, entre autre, la fonction de la poésie. Malheureusement on a perdu la fonction première de la poésie qui est un retour à la motivation du signe. Il est bien évidemment que « Kopf » en allemand et « testa » en italien, se réfèrent à la même chose. Mais ressentons-nous le même effet émotionnel quand nous prononçons l’un ou l’autre mot ? Pas du tout. Et il faut expliquer aux enfants pourquoi ! Les sonorités sont chargées d’émotions qui façonnent psychiquement les objets . Si l’on demandait à un enfant de dessiner le mot « testa » sans en connaître le sens, il la ferait beaucoup moins ronde que celle qui correspond à « Kopf ».



C’est dans de telles conditions que le sens émerge de la lecture et permet à chacun d’élaborer un sens personnel à sa vie. Puiser dans l’intimité des images qui nous relie au monde vivant, plutôt qu’aux reflets excitants mais évanescents des choses.


 

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Louis COSTE, psychothérapeute,Argenteuil,Ermont (Val d'Oise-95)


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